L’identité de genre et le respect de la dignité humaine après la mort

Alors que les mesures de confinement ont aggravé l’isolement des personnes fragiles et ont complexifié leurs démarches administratives, Monsieur le Maire de Thonon-les-Bains refuse, depuis plus d’un an et demi et en opposition avec une demande du Préfet de Haute-Savoie en ce sens, d’inscrire sur la plaque du columbarium le prénom d’usage d’une jeune femme transgenre ayant mis fin à ses jours en juin 2020.

Manon* était une jeune femme se déterminant et vivant socialement dans le genre féminin sous le prénom Manon depuis 2016. Avant son décès, elle avait engagé une transition et était reconnue par tous comme étant de sexe féminin prénommée Manon, notamment par l’université au sein de laquelle elle étudiait, bénéficiant d’une carte d’étudiante à son prénom d’usage.

Les démarches judiciaires et administratives pour modifier son acte de naissance étaient retardées en partie par une phobie administrative liée à une situation de handicap et par les mesures de confinement de mars 2020.

En souffrance psychologique depuis le décès d’une amie proche en pleine crise sanitaire et alors qu’elle était éloignée de sa famille, la jeune femme a mis fin à ses jours en juin 2020.

Elle a été incinérée puis inhumée au columbarium de Thonon-Les-Bains.

Inscrite sur les registres et sur l’urne contenant ses cendres sous son état civil officiel, ses parents ont sollicité du maire de la commune que le prénom d’usage de leur fille figure néanmoins sur la plaque du columbarium visible par le public.

Refus du Maire de Thonon-les-Bains

Or, les parents de Manon se sont heurtés au refus de Monsieur le Maire de Thonon-les-Bains rappelant que cette inscription relève de son seul pouvoir souverain de Maire et prétextant que ce prénom d’usage ne correspond pas à l’état civil officiel de la défunte, proposant alors d’inscrire sur la plaque « Thibault** dit Manon ».

Ce faisant, les parents de Manon considèrent que la position du maire porte atteinte à la dignité humaine et aurait pour conséquence de désigner publiquement Manon en tant que personne transgenre.

Saisi de ce refus, le Préfet de la Haute-Savoie confirme que la demande des parents de Manon est légitime et rappelle que:

« le maire ne peut interdire une inscription que si elle porte manifestement atteinte à l’ordre public dans le cimetière (CE, 4 février 1949, Moulis c/Maire Sète), ce qui ne semble pas être le cas de l’inscription du prénom Manon sur la plaque du défunt ».

Après avoir constaté que les dispositions des articles L.2223-2 et L.2223-18-1 du Code Général des Collectivités Territoriales étaient parfaitement respectés, le Préfet de la Haute-Savoie a sollicité, par courrier du 11 octobre 2021, Monsieur le Mairie de Thonon-les-Bains de faire droit à la demande en cause et d’accepter l’inscription du prénom d’usage de la défunte sur la plaque du columbarium.

Au surplus, cette position du maire va à l’encontre des positions gouvernementales destinées à favoriser l’inclusion des personnes transgenres dans la société en reconnaissant leur identité sociale et en les prémunissant de discrimination.

Prendre en compte le prénom d’usage des personnes transgenres

Ainsi, une recommandation du 17 avril 2019 du Ministère de l’enseignement supérieure, de la recherche et de l’innovation confirme la nécessité de prendre en compte le prénom d’usage des personnes transgenres avant même la modification de leur état civil.

De son côté, le Défenseur Des Droits dans une décision cadre 2020-136 du 18 juin 2020 a rappelé la diversité des parcours de transition et le fait que ces parcours relèvent de la vie privée et intime des personnes transgenres, impliquant de respecter ces parcours en tenant compte de l’identité de genre sociale avant le changement d’État Civil.

Au-delà de la particulière douleur provoquée par le refus arbitraire de Monsieur le Maire de Thonon-Les-Bains d’apposer le seul prénom d’usage de leur enfant sur la plaque du columbarium – sans aucun fondement juridique – les parents de Manon considèrent que ce refus traduit un refus de respecter la dignité humaine après la mort et une discrimination envers les personnes transgenres.

*le prénom a été changé
** le prénom a été changé

Revue de Presse

Instruite par le cabinet Lhotel Avocats, expert sur les questions du genre, cette affaire a été massivement relayée dans les médias:

Médiapart
Nouvel Obs
Le Messager
Le Parisien
Konbini
France 3 Régions / France Tv Info
– Le Dauphiné : article du 28-01-2022 / article du 29-01-2022
Nord Littoral
France Bleu
Valeurs Actuelles
Le Point